800 Km en VTT de Mahmid à Tan Tan


Draa VTT
Comme beaucoup de projets du même ordre, celui-ci était né dans des circonstances mal définies. Mais les effets de l’alcool aidant lors d’une soirée prolongée nous avaient fait évoquer l’idée de rallier Mhamid, endroit où le fleuve Draa disparait dans les sables du désert au Cap Draa, au bord de l’Atlantique, là où il a repris l’allure d’un fleuve.
Régulièrement, nous évoquions le moment où nous partirions tous les deux accomplir notre Saint Jacques de Compostelle saharien, moi sur mon vtt et Antoine au volant du toy pour m’assister.
Et bien ça y est, nous y sommes.
Après un départ raté l’année dernière suite à une panne moteur du Toy d’Antoine(et pourtant, ça ne tombe jamais en panne un Toy…), Le 18 janvier 2009, nous prenons le départ de France, chacun de son côté, vers Algésiras.
J’arrive dans la nuit sur le parking de Guttieriez ; Antoine me rejoint vers 9h00 le matin. Achat des billets, quelques courses à Carrefour et ensuite, direction Tarifa, sous la pluie pour embarquer vers Tanger. Liaison sans histoire jusque Marrakech où nous arrivons vers 21h00 au camping Ferdaous dans l’humidité et la fraîcheur. Le mardi matin nous organisons le véhicule et après un repas chez Souad, nous décidons de partir vers 14h00 vers le Tichka. Il pleut et au fur et à mesure que  nous montons, la neige remplace la pluie. Bien avant Tadert, nous faisons demi tour car la neige tient sur la route et nous n’avons pas envie d’être bloqué. Retour chez Mus pour une nuit qui, sûrement, nous portera conseil.
Nouveau départ ce mercredi matin, mais là, c’est à Aït Ourir que nous faisons demi tour car  la route est bloquée par la police. Nous prenons alors la décision de partir par Agadir pour contourner L’Atlas et pouvoir atteindre notre point de départ. Le Draa se fait désirer…
Nuit 0 Tazenakht à notre hôtel habituel. Nous atteignons enfin Mhamid vers 14h30 après un excellent repas à Tagounite. Dernier coup de fil à nos femmes.
Je me prépare à 2km avant la ville pour ne pas être dérangé par les gamins, puis c’est enfin parti.
Beau temps pas de vent. Dans ce coin, nous connaissons la piste. Après quelques km, descente de vélo et marche à pied au milieu des tamaris : pas de surprise, on le savait , le sable est bien présent. Au bout d’une bonne heure, on sort de cette zone où j’ai pris ma première gamelle( ce sera la seule. J’ai le bras bien entamé par le pédalier après une chute peu glorieuse, à 5 ou 6km/h. La piste est ensuite plus roulante, et je fais une bonne trentaine de km pour ce premier tronçon.
Ce vendredi matin, météo et moral au beau fixe vers la Zaouia Sidi Abd Ben Nebi. La piste est assez roulante et je me fais plaisir ; Antoine me suis à vue, mais nous ne savons pas encore quelle tactique adopter pour ne pas négliger la sécurité et en même temps, laisser un maximim de liberté à l’un et à l’autre.
Juste avant la Zaouia, nous piquons plein sud sur le lac Iriki. Les difficultés apparaissent. Antoine qui n’a pas droit à l’erreur, prend une option ouest pour éviter le milieu du lac, puis revient sud vers notre point de rendez vous. Pendant ce temps je me bagarre avec la piste, très peu porteuse : la couche de terre sèche cède sous les roues du vélo et dessous, c’est un mélange de sable et de fech fech qui me donne toutes les peines du monde pour arriver à la vitesse fabuleuse de 8km/h. De plus notre changement de cap m’a mis face à un vent soutenu.
Alternativement, je marche(7km/h ) ou je roule vers le point prévu où, j’espère, Antoine m’attend. Et lui, de loin, après avoir apprécié dans le 4x4 les qualités peu porteuses du sol(70km/h à fond), m’aperçois au loin, petit point noir progressant lentement dans l’immensité poussiéreuse. J’atteins le point vers 16h30, un peu déchiré au terme de 80km ( j’ai peut être été un peu ambitieux) d’une journée pleine d’enseignements. Il nous paraît évident que nous devons nous retrouver plus souvent sur la piste.
Le bivouac et son installation vont devenir un rituel bien rodé où chacun va trouver son rôle.
D’abord c’est Antoine qui va choisir l’endroit. Si possible, il faut qu’il puisse rouler sans trop de difficultés. Moi, j’ai décidé de ne rien négliger du côté hygiène : quelques soient les conditions, c’est une toilette complète que j’effectue à chaque halte. Avec peu d’eau, mais soigneusement, je me décape de haut en bas. Ensuite, on vide le bahut, on monte la tente( qui se révélera absolument nécessaire et adaptée à notre virée). Seulement après, nous sacrifions au rituel de la bière( moi plus qu’Antoine, mais il faut bien une boisson de récupération…).
Ensuite, sous la toile et bien à l’abri, c’est la préparation du repas, une œuvre partagée.
C’est ainsi que nous apprécierons régulièrement les saveurs particulières d’un buoillon Kub accompagné de spaghettis. Auparavant, l’apéritif nous aura permis de déguster jambon ou jésus de porc cul noir accompagné d’une bonne bouteille. Vers 20h00(parfois avant…) nous sommes couchés ; quelques pages de lecture et extinction des frontales.
Ce samedi 24 sera plus calme qu’hier. Si le vent reste défavorable, la piste reste assez roulante( je ne marche que 50m). Nous n’avons rencontré personne de la journée. Le soleil est présent, je l’ai sur le côté gauche toute la journée ça déséquilibre mon bronzage. 60km pour la journée.
Dimanche 25 ; nous sommes près de la zone militarisée et la piste passe le long des postes militaires au sud est de Tata. Le vent est toujours contraire, mais on s’y fait. En fin de matinée, nous traversons l’oued Maleh ( l’oued salé) en eau. C’est tout à fait anachronique au milieu de cet univers de pierre et de sable. Juste après( sûrement l’émotion) je loupe un embranchement de piste. Je me suis orienté trop sud, mais monsieur GPS me remet sur le bon cap une dizaine de km plus loin. Antoine me précède lors des passages aux postes militaires. Je croise un 4x4 de militaires ; d’autres à pied à 400m de moi me sifflent : je les ignore pour ne pas perdre de temps. Omar, lui, je ne peux pas l’ignorer : il est au milieu de la piste : sympa, on passe 10mn à discuter.
Le midi, on se pose pour le repas. Là, pas de préparation culinaire, uniquement des boîtes et du pain ; pas de bière ni de vin, que de l’eau : sérieux les sportifs !
En arrivant  au bivouac, je suis à plat de l’avant et de l’arrière. J’ai voulu éviter un bac à sable et je me suis mis dans le kram kram. Pour le toy d’Antoine, c’est un silent bloc d’amortisseur qui a rendu l’âme. Après un peu de mécanique, un bon blanc nous remet d’aplomb.
Aujourd’hui, 5ème jour de raid. Nous devons passer à Tata ; nous décidons de nous y arrêter pour quelques coures, la douche et un peu de confort.
L’étape a démarré cool : le vent est enfin favorable. Nous rencontrons toujours des militaires.
A un poste celui-ci nous dit que c’est le premier vélo qu il a vu passer. Il en avait vu un dans l’autre sens mais il avait était refoulé car pour d’obscures raisons, la piste est autorisée dans un sens mais interdite dans l’autre !! Nous passons ensuite un superbe oasis puis c’est le goudron. Pour atteindre la grande route de Tata, je me mets dans l’aspiration du toy car le vent est de nouveau contraire.
A Tata, nous rejoignons l’hôtel vers 14h00 : repas, douche, réorganisation du bahut et petite sieste !! Le soir,après apéro et bon repas, nous finissons au bar de l’hôtel, rendez vous de tous les pochtrons du département car il sert de l’alcool ; nous partageons les bières avec 2 locaux.
Ce soir, on a pu appeler les femmes.
Ce matin, mardi 27, pas de lever en fanfare…Départ à 9h15 pour 53km de goudron. Le vent est favorable(24km/h de moyenne). On man ge dans un restau sympa, quelques courses( tomates, oignons, concombres ). On sort d’Akka pour prendre la piste qui manifestement n’est plus utilisée. Je choisis de couper tout droit dans le reg pour rejoindre la piste que l’on voit au loin. Antoine prend une option moins merdique pour le toy. Il va m’attendre un moment, pensant que jai suivi sa trace. Pendant ce temps, j’avance péniblement sur la piste que j’ai enfin récupérée. Je double une famille de nomades qui transporte tout son matériel( tente, ustensiles de cuisine, etc …) sur le dos de quelques ânes.
Après qu’Antoine m’ait enfin rejoint, je le retrouve au bivouac au bout de 17km de piste très caillouteuse et 2 crevaisons, mais ce fut une bonne journée. Nous faisons une soirée rustines avant le rituel habituel : douche, installation bivouac, apéro et repas. Si Antoine continue à assurer avec talent le repas, je me suis fait  une spécialité de la préparation de la salade : tomates en morceaux, oignons hachés, boîte de thon : un sommet de gastronomie !
Ce mercredi matin, les pneus du VTT sont à plat : je mets des pneus et des chambres à air neufs, et on repart. Nous sommes le long du djebel Bani qui barre la plaine caillouteuse de son imposante masse noire. Ce matin, la piste est roulante et le vent dans le dos, que du bonheur. Après le repas de midi, de nouveau, vent défavorable. On rejoint la route 8km avant Foum el Hisn. Il y a un campement neuf tenu par un français. On se pose. Il y a de grandes tentes. Nous nous organisons dans ce bivouac de luxe pour apéro et repas. Comme chaque soir, je prépare l’étape du lendemain : lecture du road book, report des points et leur numérotation sur la carte et évaluation de l’endroit du bivouac du lendemain soir.
Jeudi 29 ; on repart à 9h20 ; à la sortie de Foum el Hisn, on se perd un petit peu, car nos intérêts sont parfois divergent: choix d’un passage roulant pour le vélo, pour Antoine, le bahut  au bout d’un moment, plus de piste et obligation de s’en sortir au GPS. On se récupère au point prévu. J’ai encore crevé mais on repère vite le trou( Antoine est devenu un vrai Michelin du vélo). Sur une piste où l’on ne voit personne, on traverse un gros village où il y a voitures, tracteurs et même un dispensaire. On mange un peu après, sous le regard de quelques chameaux qui ont escaladé la montagne. Les 10 derniers km de la journée sont une vrai galère, pour moi : la piste est très caillouteuse. Les pierres sont rondes et je suis chahuté d’un côté à l’autre de la piste. Comme j’ai les fesses bien entamées depuis 2 ou  3 jours, je ne sais plus comment me poser sur la selle. ON cort de la piste en arrivant sur la route de Assa et on ne fait pas un mètre de plus pour installer le bivouac. Le vent est toujours présent. Habituellement, il se calme le soir, mais là, il faut arrimer les ficelles de la tente solidement et poser de gros cailloux sur les piquets pour pouvoir se coucher sereinement.
Ce vendredi matin, 25km de goudron jusque Assa. Vent toujours défavorable. On fait quelques courses : tomates, oignons, concombres, pain ; ça reste classique. On achève le ravitaillement avec les pleins d’eau et de carburant. On repart en début d’après midi pour 30km de goudron avec un ventqui souffle à 70km/h, pleine face. Je passe l’après midi la tête dans le guidon. Antoine qui comprend que ce n’est pas très rigolo pour moi m’attend tous les 5 ou 6km. C’est bon pour le moral. 15km avant Aouinet Torkoz, on change de cap vers le sud et on reprend la piste vers le Draa. On termine par 5km de piste merdique. Des gros caillous bien serrés finissent par m’achever. Antoine nous a trouvé un bivouac sympa, mais le vent souffle très fort et le montage de tente se révèle très artistique.. Je crois que ce soir là, on a bu une bonne bouteille…
Samedi 31 ; ça a soufflé grave toute la nuit, mais la tente a tenu. Pendant 1h30,sur le vélo, je me demande si je vais pouvoir poser les fesses, pourtant, la piste est facile. J’ai des doutes sur la suite de journée. Mais(merci Coloplast !!) le confeel fait son boulot et la douleur s’estompe. On est maintenant dans le lit du Draa( pas dans les draps du lit , oui, elle est facile celle là !). Il y a des cultures un peu partout, on croise des nomades, la vie règne. Pendant le repas de midi, Mustapha nous rejoint ; grand, racé, habillé classe, il se balade avec ses jumelles et son portable. Malheureusement, son niveau de français est égal à notre niveau d’arabe. Mais on arrive à se dire des choses. Nous nous quittons après échange de n° de téléphone. Nous reprenons la piste, vent toujours de face. Peu de temps après, je vois Antoine perché sur un monticule. Il peut ainsi mieux me distinguer dans l’immensité. Je passe sous lui et continue mon chemin comme convenu jusqu’au point suivant. Là, j’attends un quart d’heure, 20mn. Ne le voyant pas arriver, comme prévu, je reviens au point précédent. Et là, je vois mon Antoine, plus ou moins aidé par un nomade, en train de démonter la roue arrière droite. 2 goujons son déjà cassés, j’en casse un troisième et nous décidons d’aller réparer. On refait le chemin a l’envers jusque Assa. Là, pas de goujons ; on prend alors la direction de Guelmin, à 100km que nous atteignons vers 20h00. On passe la nuit dans un hôtel pas borgne mais visiblement inoccupé.
Le dimanche matin, on trouve un mécano qui nous répare en une heure. La note est très salée : 687dh ; antoine arrive à redescendre à 450dh, mais on l’a un peu en travers. On reprend la route en sens inverse. On se fait poulet frites à Assa et on revient à mon dernier point vélo où nous plantons la tente vers 16h30. Pour l’apéro, Antoine dans sa grande sagesse décide d’ouvrir une bouteille de Moulin à Vent pour marquer ces péripéties. Cette journée de repos forcé a été bienvenue pour moi. Toute la nuit, le vent va souffler très fort.
C’est lundi, début de semaine. Avant de partir, on fait un peu de mécanique. Un autre silent boc a lâché sur le toy. Départ à 9h30. Dans un paysage austère, sans soleil, je passe la journée face au vent à mettre et à enlever le kway au gré des averses que nous prenons pleine face, poussées par un vent violent. Nous arrêtons peu après 16h00 à l’abri d’un petit reliefqui devrait nous protéger à peu près. Comme maintenant depuis plusieurs soirs, nous arrimons piquets et ficelles à de gros cailloux. Ce soir au menu, jambon de cochon cul noir, soupe de vermicelle, salade de tomates, coq au vin, purée ;
Mardi ; temps frais et couvert ; nous ressortons de la vallée du Draa. Le cap est nord et le vent souffle moins fort. Nous sommes à 300m d’altitude mais on se croirait à 2000m chez nous. Le paysage est très varié. Le midi, après un passage un peu cailloux, nous mangeons au pied de la première bosse de la journée. Sévère, longue de 1,5km, elle m’oblige à mettre pied à terre. Deux autres suivront, mais, quand ça monte, c’est bien connu, c’est que ça va redescendre donc le moral est bon. Dans l’après midi, nous avons rencontré un gamin au bord de la piste. Nous n’avons pas réussi à savoir ce qu’il faisait : certainement un berger. Peu après, 3 nomades descendaient avec un gros troupeau de chameaux. Du côté des fesses(en vélo, c’est délicat) tout s’est stabilisé, même si ce n’est pas tout à fait guéri. Juste avant de bivouaquer, nous traversons le chantier d’une future route. Nous nous posons à l’entrée de gorges ; il y a quelques palmiers, le vent ne souffle pas trop fort et le soleil fait son apparition en début de soirée. Il nous reste 65km pour le cap Draa. Le moral remonte encore un peu plus.
Mercredi ; dans la nuit, la pluie s’est remise à tomber, régulièrement, sérieusement. Pour nous, c’est la cata. Néanmoins, après un réveil plus matinal que d’habitude, nous sommes prêts à partir à 8h15. Nous faisons comme si…Au bout de 2km avant de traverser un oued en eau, nous décidons de stopper là : il pleut fort, la terre est imbibée et s’entêter à passer nous semble dangereux.
Je monte dans le toy, et retour par la route vers Tan Tan.
C’est la fin provisoire de cette histoire. Elle nous a permis de concrétiser un rêve commun.
Même si nous n’avons pas pu aller jusqu’au bout, nous avons entrepris et surtout, notre équipage s’est révélé très efficace ; à charge de revanche !!!